Cépages anciens en Ardèche : voyage sensoriel dans le temps
Quels sont ces cépages revenus d’un passé que l’on croyait à jamais scellé ? Petite sélection non exhaustive de familles retrouvées ou en passe de l’être, entre bouteilles confidentielles et premiers hectares replantés.
1. Le Chatus : roc rouge de l’Ardèche cévenole
Le Chatus, autrefois roi des terrasses cévenoles, a bien failli disparaître du paysage. Ce rouge tannique aux reflets violets profonds fut pourtant cultivé sur près de 5 000 hectares au XIX (source : Syndicat du Chatus), avant d’être décimé par le phylloxéra puis “oublié” au profit de cépages plus productifs.
- Profil : robe sombre, arômes de fruits noirs, notes de cuir, pointe sauvage et minérale
- Réintroduction : relancé dès les années 1980, le Chatus renaît autour de Joyeuse, Rosières et Beaumont avec environ 60 hectares recensés aujourd’hui. Plusieurs domaines signent des cuvées sans concession, au potentiel de garde remarquable.
2. Le Plant de Brunel (ou Plant de Brunel noir)
Quasi mythique, ce cépage noir autrefois très présent au sud d’Aubenas fut recensé au XIX siècle dans tous les ouvrages ampélographiques régionaux (source : Vitis International Variety Catalogue, INRAE). Son vin, coloré, fruité, s’avérait rustique et marqué par une forte acidité.
- Profil : fruits rouges acidulés, trame vive, notes de garrigue
- Réintroduction : Patience et obstination… Quelques pieds anciens rescapés sont aujourd’hui multipliés en pépinière par certains pionniers, notamment en partenariat avec l’IFV Sud-Est. Les premières vinifications expérimentales remontent à 2016/2017.
3. La Dureza : un chaînon manquant entre Rhône nord et Ardèche
Si la Syrah est la star du Rhône septentrional, rares sont ceux qui savent que l’un de ses parents côté paternel est la Dureza, ancienne variété noire d’Ardèche presque disparue et récemment identifiée génétiquement (source : Le Monde, 2018).
- Profil : tanins puissants, fruits noirs, violette, une rusticité élégante
- Réintroduction : repérée surtout du côté de Tournon ou Saint-Joseph. Des essais de microvinification sont menés par quelques domaines à vocation patrimoniale.
4. Le Raisin de Montréal (aussi appelé Raisin de Biterne ou d’Italie)
Un cépage blanc, historique dans la région de Montréal d’Ardèche et du Bas-Vivarais, utilisé jadis pour fournir des raisins de table mais aussi de charmants blancs locaux (source : Ampélograf).
- Profil : fraîcheur, fruits à chair blanche, citron, légère amertume
- Réintroduction : mentionné par quelques vignerons qui souhaitent tenter des cuvées traditionnelles, il reste très rare et n’a pas encore franchi le cap de la commercialisation à large échelle.
5. Le Picardan noir et blanc : la pépite des vignes anciennes
On connaît leur nom grâce à Châteauneuf-du-Pape, mais ces raisins locaux figuraient aussi autrefois dans de nombreux assemblages ardéchois, en rouge comme en blanc.
- Profil : notes de fleurs blanches, d’épices douces voire de fraise, fraicheur, légèreté
- Réintroduction : quelques conservatoires et projets d’expérimentation, notamment autour de Villeneuve-de-Berg et dans le nord du département.
6. La Grosse Clairette et la Clairette Rose
Vieux cépages blancs, la Grosse Clairette a survécu dans quelques vieilles parcelles, tandis que la Clairette Rose séduit certains domaines pour ses parfums et sa résistance à la sécheresse.
- Profil : fruits blancs, zestes d’agrumes, bouche ample
- Réintroduction : combinaison de sauvegarde de pieds “reliques” et multiplication en pépinière, sous l’égide d’associations locales (ex : Ampélograf).
Autres cépages en observation
- Bouteillan noir : autrefois apprécié pour sa rusticité, aujourd’hui à l’état de curiosité patrimoniale
- Piquepoul noir : rare, mais recensé dans certaines parcelles expérimentales
- Mesclun : assemblage traditionnel local parfois replanté avec diverses variétés anciennes, souvent sur de micro-parcelles.